La bella Criteria Exagéra

Ce premier dimanche de l’année a été intéressant. Après le culte, combien de frères et de sœurs n’a-t-on pas embrassés pour souhaiter les mêmes vœux : santé, bonheur, prospérité, amour et mariage…

 Ah, mariage ! Ce lundi, dans son atelier de couture, pendant qu’elle s’attelle à coudre la future robe de mariée d’une jeune sœur de l’église, Critéria Exagéra réfléchit.

 Son visage se creuse et ses souvenirs la ramènent à bien d’années en arrière.

 En ce temps là, elle se voit encore petite fille au village avec ses parents, toute fragile et insouciante.

 Puis cette visite de sa tante qui bouleversera  à jamais sa vie. En effet, tata n’a pas d’enfants avec son mari et a pensé à adopter sa nièce .

 Les parents heureux, acceptent de laisser partir leur fille à la ville.

 Mais elle avait eu peur en ce moment. Qu’est ce qui l’attend en ville ? Heureusement pour elle, tout se passa bien .Sa tante s’occupa trop bien d’elle et la chouchouta beaucoup..

 Criteria était devenu heureuse, elle avait beaucoup changé.

 La Critéria Exagéra villageoise avait  disparu pour laisser la place à la Critéria de la ville, raffinée et aimant les bonnes habitudes.

 La couture devient pour elle un délice. Elle travaillait, réfléchissait  jusqu’à avoir mal à la tête pour concevoir les modèles sous l’œil de sa patronne.

 Et puis un jour, grâce à elle, sa patronne décroche un ciseau d’or. Elle  est très heureuse.

 Sa tante lui donne aussi les moyens d’ouvrir son propre atelier de couture dans le quartier. Désormais, son atelier ne désemplit pas.

 L’église parle d’elle, elle  est belle et charmante et a du goût et de la finesse.

 Il y a maintenant longtemps qu’elle a quitté  le cercle des enfants pour un département très en vogue : le groupe musical.

 Très tôt, elle s’intéresse à  cette histoire de fiançailles et s’imagine d’où sortira pour son  prince charmant.

 Son  histoire ne ressemblera pas à coup sûr à celle de Cendrillon, ni de Blanche neige, mais à celle de la belle au bois dormant. D’où viendra l’heureux prince charmant avec son carquois ?

Elle prie  donc pour que ce prince charmant apparaisse .Elle s’est  construit des châteaux en Espagne dans  sa tête, Dieu se chargera de les exaucer.

 Mais que d’épreuves avant la réalisation de ses rêves !

 Voilà d’abord que Dioulagou, un teigneux de l’église, vendeur de poulets de la ferme de son oncle, osa s’approcher de Critéria .

 -Critéria, je t’aime

 -Que dis-tu ?

 -Je t’aime

 -Dioulagou, tu t’es bien regardé ? Moi une grande dame, grande couturière dans ce pays, c’est toi un vagabond, un petit vendeur de poulets qui ose me faire la cour ? Hors de ma vue !

 Dioulagou s’était retiré peiné et vexé. Il disparut de la scène et retourna chez lui au pays des hommes intègres. Il est devenu à présent un grand producteur de bovins et vit heureux et marié avec sa femme et ses deux enfants qui poursuivent leurs études en France.

 Après Dioulagou, il y avait eu Amétyste, le fils du chef de la chorale. Mais son teint noir répugnait horriblement à Critéria Exagéra.

  « Seigneur, qu’il est noir ! Quelle couleur auront mes enfants si je l’épouse ? »

 Amétyste déçu, aujourd’hui a toujours un teint noir, mais bien propre. Il s’est marié et très heureux à présent  avec sa femme et ses enfants.

 Le troisième sur la liste de Critéria était Francky. Elle l’appréciait bien mais c’était l’année où les étudiants étaient dévalués. Qu’est ce qui dit à Critéria qu’il pourrait occuper un haut poste plus tard ? Elle le rejeta, mais cette fois-ci avec tact. Si il lui arrivait d’avoir plus tard un bon salaire et d’habiter dans un quartier chic de la capitale avec une voiture luxueuse, elle pourrait réexaminer son cas. Mais Francky le prit mal et ne revint plus.

 Il alla se consoler avec Aliya qui l’aida dans sa vie. Il est devenu aujourd’hui directeur d’une société privée de la place. Lorsqu’il rendit ce témoignage à l’église, comment Dieu l’avait élevé dans son entreprise, après le départ du patron blanc, Critéria essaya de le relancer.

 Mais Francky ne jurait plus que par Aliya, celle là qui l’avait aidé et soutenu dans ses moments  difficiles. Et pourtant, Aliya avait un niveau faible, estimait  Critéria Exagéra, (oubliant elle-même qu’elle avait échoué brillamment trois fois au CEPE et avait dû face à ces échecs répétés arrêter ses cours ) , mais Francky déclara qu’il était prêt à aider Aliya à rehausser son niveau intellectuel et demanda à Critéria de ne plus venir l’importuner.

 Celle-ci haussa les épaules. Ce qui est sûr, c’était par pitié pour lui qu’elle voulait revenir, sinon, elle était convaincue qu’elle n’était pas serrée de lui.

 Cette histoire avec Francky  terminée, Critéria Exagéra subit les avances répétées de Zounon .

 Mais franchement,elle, une femme stylée, qu’allait-elle faire avec un monsieur qui s’habille toujours aux couleurs de l’Africa et qui joue le clown le dimanche chez les enfants de l’église  ?

 Il se vit repoussé sans ménagement ! On n’entendit plus aussi parler de lui.

 Après Zounon, Pierre-Marie fit les yeux doux à Critéria.

 Celui là, il répondait à ses critères……sauf qu’il était avait deux dents qui lui manquaient. Cela la gênait considérablement. Vraiment ! De plus, il était plus petit de taille qu’elle, ce qui risquait de faire que le couple n’allait pas être bien assorti.

 Depuis Pierre-Marie, bizarrement, plus aucun homme ne lui fit la  cour jusqu’à aujourd’hui.

 Sa beauté qui avait en son temps fait languir les garçons s’était éteinte au fil des temps et  les rides avaient pris la place des beaux traits de la jouvencelle Critéria Exagéra.

 Ce lundi 10 janvier 2011, en faisant les coupes de cette robe de mariée, elle réalise que c’est la deux cent cinquantième robe qu’elle court .Par ses mains agiles, elle va habiller une fille et faire d’elle la reine pour son  mariage ! Sans qu’elle le veuille, des larmes qui s’étaient entassées dans son cœur éclatent et coulent  de ces yeux. Mais elle se ressaisit. Dieu est fidèle.

 Il lui apportera son prince charmant. Il viendra, elle le sent et l’amènera loin .Il lui fera oublier toutes ces douleurs d’attente et même si elle a largement dépassé l’âge de la ménopause à présent , elle sait que le Dieu de Sara qui lui a accordé un enfant dans sa vieillesse le fera aussi pour elle Critéria Exagéra, la belle au bois dormant.

 Seulement dans le ciel, un autre scénario est en train de se passer. Un ange est mandaté  pour le mois de mars a aller chercher l’âme d’une dénommée Critéria Exagéra pour la conduire au ciel  .Elle ne le sait pas, mais il ne lui reste que deux mois à vivre ! En regardant le film de sa vie, l’ange secoue la tête tristement ! C’est dommage que cette humaine n’ait pas pu profiter des grâces de Dieu la concernant et ne connaîtra  jamais les délices du mariage que Dieu avait pourtant prévu pour elle sur cette terre.

 Certes, son âme est sauvée, mais elle n’est pas rentrée dans toute la potentialité et le bonheur  que Dieu avait prévu  pour elle sur cette terre et tout cela, pour des critères exagérés sur le choix du conjoint.

Dommage !